Catégories
Articles Ethique du genre humain

Cycle du Guerrier 1-6

Le guerrier

Pourquoi s’intéresser au personnage de guerrier et pourquoi l’associer à la notion de cycle ?

Parce que tel qu’est défini ici le guerrier, sa vie pleine de sens et qui marque les esprits nous inspire. Parce qu’à tous les moments charnières des cycles de l’histoire, il est présent au cœur des événements cruciaux pour servir de repère. Enfin, compte tenu de la tournure incertaine que prend le premier quart du XXIème siècle, chercher la façon dont ce modèle pourrait se décliner aujourd’hui semble particulièrement opportun.

Ce cycle s’articule en six parties : la première décline un modèle général de guerrier, les cinq suivantes s’appuient sur des guerriers mythiques ou des groupes. L’ensemble tente, à l’échelle du globe et depuis 2500 ans, de déceler à la fois une universalité et des particularités du guerrier qui évoluent dans le contexte historique. Mais une évolution vers quoi ? Peut-être, avec le 21ème siècle, vers ce qu’on a nommé le guerrier pacifique, lettré et poète. Le cycle permet de plonger dans l’entre deux, l’apnée entre l’inspire / expire, le vide médian pour s’imprégner autrement. C’est l’espace et le temps où les points de vue, les questions et les réponses peuvent se rencontrer sans changer pour autant mais ce faisant vont permettre l’émergence de nouveaux points de vue, de nouvelles questions et réponses. 


Par la lecture des six parties de ce cycle du guerrier, on invite chacun à s’interroger sur la neutralité ou pas de l’histoire et le sens à donner à sa propre vie

Partie 1 : Le guerrier

Le guerrier n’est pas que pourfendeur, il peut être aussi lettré et poète. C’est cette voie plus globale qui nous touche et nous inspire.

encre cycle guerriers
| MONOTYPE CAMILLE COSSON

Bien des aspects le caractérisent mais certains plus que d’autres :

– le courage pour relier et assumer ses contradictions sans rester spectateur et chercher à s’améliorer ;

– le discernement et la persévérance pour avancer dans l’inconnu, ne pas fuir ses peurs, affronter les dragons ;

– le détachement, tout en gardant le souhait d’être juste et bon, pour tirer des expériences d’événements qu’ils soient positifs ou négatifs.

D’un point de vue psychologique il est celui qui, prenant conscience de sa part intérieure féminine ou masculine selon les cas, n’hésite pas à la cultiver en quête d’un savant équilibre entre les deux. Plus le guerrier intègre sa polarité opposée, plus par écho, sa part naturelle s’exprime naturellement et harmonieusement. Il est frappant, par exemple, de constater la douceur et la subtilité qui peuvent se dégager des guerriers reconnus inversement pour leurs qualités viriles sur les terrains de leurs combats.  

Le guerrier lettré et poète est en quête, une quête qui passe toujours par trois étapes essentielles : la préparation, la mise à l’épreuve et le retour. A travers ce parcours qui commence dès le plus jeune âge et finit avec la mort, il trouve son rôle et le sens de sa vie. Il devient le héros de sa propre histoire, petite ou grande. Il passe par des épreuves, il est mis face à l’extrême de ses contradictions, mais il n’abandonne pas. Au fond de lui il y a une forme de foi en la vie, au monde, aux autres et en lui-même. Et même s’il lui arrive de douter, de penser qu’il n’est pas à la hauteur, si malgré tout il garde le cap du « capitaine de lui-même», l’horizon finit toujours par se dégager, une étoile brille et le guide.

Le guerrier lettré et poète n’est pas l’apanage de certains. En chacun il sommeille, se débat, clignote ou émerge lentement. Au départ il est plutôt discret et humble, sauf dans les moments de paroxysmes où sa nature profonde se dévoile et prend les commandes. Ce n’est que très rarement qu’il resplendit dès le plus jeune âge, une étape où l’on perçoit toutefois ce qu’il sera plus tard. Car comme ces arbres multi centenaires, il a besoin de temps pour se déployer tant ses ramifications sont complexes et demandent un long et patient tissage.

Des modèles de guerrier dans l’histoire :

A travers ces modèles, on peut constater aisément la diversité par laquelle peut se vivre cette voie du guerrier poète et lettré, tout en gardant une universalité qu’on laisse découvrir à chacune et à chacun.  

Samouraï

La résolution incorruptible, l’absence de calcul. Il se grandit en s’ouvrant au zen ou au shinto et en cultivant d’autres arts ou sciences comme modèles d’harmonie et de sensibilité.

Attributs : le katana, la cuirasse.

Miyamoto musashi, Rônin, samouraï errant 

| AUTOPORTRAIT ATTRIBUÉ A MYYAMOTO MUSHASHI (1584-1645)

Chevalier

La bravoure, la courtoisie, la loyauté et la générosité. Il se grandit quand il ajoute à l’épée, la fleur (l’amour courtois) et le livre (ramener la sagesse et les connaissances lors de ses pérégrinations).

Attributs : l’épée, la fleur, le livre.

Yvain et Laudine, enluminure

Guerrier grec

Etre robuste, se contrôler, être autonome, devenir un héros est sa destinée. Il se grandit en assumant la totalité de sa quête reprise dans les modèles d’Ulysse ou de Thésée.

Attributs : la peau, la lance et le bouclier.

Des Hoplites, type d’infanterie grecque s’engageant dans une bataille au son de la musique.

| DETAIL D’UN VASE DE CHIGI-VAZA VIIe SIECLE AV. J.-C. SCANNÉE PAR SZILAS EXTRAIT DU LIVRE DE J. M. ROBERTS : Kelet-Ázsia és a klasszikus Görögország

Légionnaire romain

La résistance, la discipline, la fidélité, l’unité du corps. Il se grandit par la pratique de la virtus (force morale et courage), par l’implication citoyenne et la pratique de l’unité dans la pluralité.

Attributs : le casque, l’épée et le bouclier.

À la suite du conseil de guerre de 105 apr. JC, des légionnaires se mettent en marche.

| DÉTAIL – COLONNE TRAJANNE, 107 À 113 APR. JC – MUSEO DELLA CIVILTÀ

Kshatrya (Inde)

La voie du juste milieu, la conscience des 3 gunas : tamas, rajas, sattva. Il se grandit par le mariage de l’engagement et du détachement et sa dévotion envers les sages.

Attributs : le char et l’arc.

Possible représentation de Arjuna et Krishna lors de la mythique scène ‘Gitopadesham’ de la Bhagavad Gita

| TERRACOTA ENTRE 1600 À 300 ANS AVANT JC

Guerrier maasaï

Ilmao : accepter la dualité, Encipaï : être dans la joie, Osina Kishon : accueillir la souffrance-don pour ne pas diviser, Eunoto : devenir un planteur, Aingoru enkitoo : rechercher le bon ordre. Ces cinq principes s’unissent pour garantir l’unité et le maintien des traditions comme trésors légués de génération en génération.

Il se grandit aujourd’hui par sa résolution à maintenir un îlot de vie traditionnel face aux vagues du monde marchand.

Attributs : le masque, la lance et le bouclier.

guerrier maasai
Ole Senteu Simel, un des chefs Iaibons les plus respectés jusqu’à sa mort en 1986, 
C’était le petit fils du fameux Maasaï Laibon Mbatian.


| DROITS : MUSEE NATIONAL DU KENYA

Dans les caractéristiques attribuées à chaque guerrier, il y a bien sûr une part de subjectivité. On a cherché surtout à faire transparaître à la fois leur diversité et une certaine unité. Ainsi, si chaque espace et chaque période de temps sur cette terre marquent de leurs empreintes les humains, il reste un fond commun. Ce fond commun est cette qualité de guerrier sage et érudit qui porte toujours des armes tant réelles que symboliques, qui défend toujours des causes élevées, qui contribue à donner à chaque chose et à chaque être sa place harmonieuse.

Son rôle dans l’histoire bien canalisé, il est le gardien qui maintient l’ordre, les lois et protège. Il est le garant de la sécurité pour tous sans distinction. Il est au service du bien commun et d’une justice équitable. Il reconnait la sagesse et l’expérience auxquelles il aspire et qu’il défend. Il contribue à l’expression et à l’équilibre des diversités dans un monde où chacun et chaque chose peuvent s’épanouir.

S’il est l’ombre de lui-même, il utilise la force pour la force et souvent pour avoir le pouvoir. Il abuse, poussé par les excès et les vices auxquels il laisse prendre du terrain. Il est dogmatique et manipulable car fermé à ce qu’il ignore…

Pour conclure à propos du rôle du guerrier dans l’histoire, bien souvent il est déroutant tant ses choix et ses décisions peuvent parfois aller à contre-courant. Ce côté indomptable et original ne correspond pas à une volonté de se démarquer, mais à une détermination sans faille pour que l’avoir ne supplante pas l’être.

Continuer la suite du cycle du guerrier :

https://journal.res0.fr/la-quete-arthurienne-et-ses-etapes/
Catégories
Articles Ethique du genre humain Interdépendance et interstices

De la “Coronavigation en air trouble” d’Alain Damasio

Parmi la quantité d’articles en rapport avec la crise du coronavirus, la série de 3 articles d’Alain Damasio intitulée “Coronavigation en air trouble” nous a parue particulièrement pertinente pour ce pas de côté qui nous est cher. Se positionner par rapport à cet auteur engagé permet non seulement de prendre du recul mais aussi de voir l’actualité sous un angle moins formaté grâce à la touche de poésie si particulière d’Alain Damasio. Nous vous invitons à lire ces articles ainsi que nos réflexions sur certains points qui nous ont fait rebondir, afin d’amener une diversité dans cette approche de pas de côté.

Damasio A., “Coronavigation en air trouble (1/3)”, 27 avril 2020

Damasio A., “Coronavigation en air trouble (2/3): petite politique de la peur”, 29 avril 2020

Damasio A., “Coronavigation en air trouble (3/3): pour des aujourd’huis qui bruissent”, 2 mai 2020

Bd horde du contrevent
Bande-dessinée “La Horde du Contrevent”, roman d’Alain Damasio

| ILLUSTRATION PAR ERIC HÉNINOT

Être ou ne pas être platonicien ?

“Je n’ai jamais été platonicien, ni cru que la vérité se cachait et que notre tâche serait de la dévoiler. Je crois que la vérité est produite, comme Foucault, Nietzsche ou Deleuze. Qu’elle est une construction”.

(Article 1/3)

Sans croire à un déterminisme absolu, on peut constater un certain nombre de “coïncidences” tant dans la vie que dans le monde qui nous entoure. Et cela va dans l’idée platonicienne que la vie et l’histoire ont un sens, ou tout du moins sont sous des influences fortes et parfois absolues. Paradoxalement, on peut aussi constater que nous sommes libres de tenir compte ou non de ces influences. Aussi, avant de produire de la vérité, comme l’affirme Alain Damasio, ne produit-on pas d’abord un chemin ? Ce chemin est large et laisse faire à chacun ses expériences. Cependant, si ces dernières nous éloignent, voire nous font sortir du chemin, cela provoque ce qu’en Inde on nomme le karma, une loi pour rappeler le sens des choses et parfois brutalement. 

Ce qui est complexe dans l’épanouissement humain et son chemin, c’est d’aspirer à la fois à être différent au niveau individuel et d’être inclus. Si l’humain en question accepte ce processus d’involution/évolution, il passe d’abord par une étape préparatoire (sa formation, avec la mise à disposition de ce qui au début n’était que latent et la prise de conscience de ses limites), puis par une étape où, ayant en mains tous les outils, il se met à l’épreuve pour aller au-delà, rentrer en contact avec le mystère et ce qui lui échappe. Ce faisant il affronte ses peurs et comprend le sens de la vie, sans pour autant la vivre effectivement. Il peut alors faire le don de sa vie en se mettant au service des autres. C’est l’étape du dépouillement où en abandonnant toutes les vieilles peaux et les préjugés tant sur soi-même que sur les autres et le monde, il va petit-à-petit s’accepter profondément puis trouver la façon de vivre son dharma ou loi d’action, pour reprendre un terme bouddhiste. Prenons maintenant l’exemple d’un arbre: la graine contient dès le début la composante “arbre” qui alors n’est qu’à l’état potentiel. Il n’est pas dit que l’arbre pourra s’épanouir, car dans sa vie pleine d’épreuves des facteurs rentrent en compte, parfois indépendamment de ses propres actions. De plus si l’arbre se prend pour une pierre, il y a de fortes chances que son épanouissement en tant qu’arbre ne se passe pas au mieux. Derrière cette image, il y a la notion d’être inclus et pour l’arbre de faire un avec sa propre nature. Bien sûr abandonner les vieilles peaux ne va pas de soi, mais si vaille que vaille le cap est maintenu, la sagesse éclaire alors le chemin, et tout fait sens dans ses trois acceptions. Le sage ou l’arbre vénérable ainsi révélé peut alors aider ceux qui aspirent à de tels parcours et sans jamais l’imposer.

Quelle est la place de la peur ?

“Ce couplage entre l’angoisse et ses conjurations imparfaites est un must du psychopouvoir. Une machine de guerre qui tourne toute seule à plein régime parce que son carburant est en vous, inépuisable : c’est la peur de mourir — et de faire mourir. Ceux qui ragent contre la restriction hallucinante de nos libertés en si peu de temps et de façon si abusive ont intégralement raison. Sauf qu’ils voient rarement que le contrôle est une demande sociale massive. Le gouvernement n’aura même pas besoin d’imposer le port du masque ni cette appli d’inter-délation censée tracer les porteurs du virus. Il n’y pas de complot. Il n’y a jamais que des stratégies à l’arrache de gouvernements aux abois qui se raccrochent aux branches d’un paternalisme qu’on leur demande de fleurir, nous les enfants peureux.”

(Article 1/3)

“Pourquoi un tel empire de la peur sur nos choix ? Un tel besoin viscéral de sécurité triste ? J’essaie depuis 30 ans dans mes romans de répondre à ces questions. Parce qu’elles touchent pour moi au cœur de ce que j’aimerais, à l’inverse, porter : une capacité à être digne de cette grâce, de ce don sublime d’être vivant. D’être un être vivant. Avec sa liberté intacte, qu’accroissent et déploient nos liens soutenus avec les autres.”

(Article 2/3)

“Tout part selon moi d’un rapport à la peur. La peur est cette émotion précieuse pour toute espèce parce qu’elle préside, à l’origine, à notre survie concrète. Elle nous sauve en nous alertant d’un danger imminent et mortel. Sauf que notre modernité, à mes yeux, l’a complètement dévoyée. En éliminant nos prédateurs et nos principales causes de mort possible, en terraformant nos espaces et en les hygiénisant, nous avons tout à la fois augmenté notre espérance de vie et abaissé notre niveau de tolérance au danger, à tout danger, même minime. Notre aptitude au courage a suivi : moins vive, moins coriace.”

(Article 2/3)

“En cédant à la peur, on cède du même coup aux stratégies triviales des pouvoirs. On les permet et on les facilite. On leur offre un boulevard.”

(Article 2/3)

“Si le capitalisme est si présent, s’il infiltre partout ses liquides, s’il démultiplie de façon fractale ses logiques jusqu’aux secteurs qui avaient su longtemps le repousser (l’éducation, la santé, l’humanitaire, l’amitié, la militance, l’art…), c’est parce qu’il prend en nous son énergie. On l’irrigue avec notre sang ; on l’électrise avec nos nerfs ; on le rend intelligent avec nos cerveaux. Il nous manipule avec nos propres mains. Barbara Stiegler encore : « le néolibéralisme n’est pas seulement dans les grandes entreprises, sur les places financières et sur les marchés. Il est d’abord en nous, et dans nos minuscules manières de vivre qu’il a progressivement transformées ».”

(Article 2/3)

Ces 5 extraits des articles d’Alain Damasio sont en rapport avec la peur. À juste titre, Damasio démontre comment en voulant chasser la peur et l’éradiquer, nous permettons à celle-ci de nous gouverner et de nous faire même passer à l’état de manipulés avec consentement. A l’extrême de ce processus d’humain vaincu, c’est ce que Hannah Arendt a nommé “l’homme de masse”. 

L’homme de masse n’a pas, n’a plus, de conviction propre. Il a capitulé de l’intérieur et se retrouve déraciné et isolé, même au milieu des siens. Il est donc facilement séduit par la cohérence et l’apparente infaillibilité d’un système. Alors, attention à l’indifférence, attention au repli sur soi, attention au trop grand besoin de confort et de sécurité. 

martin luther king

Heureusement, de tout temps, il a existé des hommes et des femmes qui en aucunes circonstances n’ont perdu le lien avec leur intégrité morale. La raison d’être de ces hommes et de ces femmes a à voir avec cette question de la peur et plus précisément du rapport entre la vie et la mort. Or, penser qu’il s’agit ici de guerriers ou de militaires de toutes sortes serait extrêmement réducteur car on ne compte plus les myriades de guerriers qui ont “vendu leur âme” pour se préserver ou pour être reconnus. Ceux qui nous intéressent ici sont présents dans toutes les classes de la société et à toutes les époques. On pense notamment aux paysans qui dans les campagnes allemandes ont préféré être exécutés plutôt que de servir en tant que SS, aux avocats comme Nelson Mandela ou Clarence Benjamin Johns, avocat de Martin Luther King et co auteur du discours “I have a dream”, qui n’ont pas hésité à aller en prison ou être bafoués pour ne pas ternir leurs convictions profondes, ou aux politiques comme Vaclav Havel ou Gandhi qui n’ont jamais renié leurs convictions humanistes et morales face aux nombreuses pressions qu’ils ont subies. Leur point commun est que tous sont prêts à perdre leurs sécurités, leurs avantages et même leurs vies, si les valeurs profondes qui les constituent sont mises dans la balance. 

Aujourd’hui, il est difficile de les reconnaître, surtout quand la vie est un long fleuve tranquille. Et parmi ceux qui sont au devant de la scène ou/et qui ont le pouvoir, y en a t-il de cet acabit ? On peut en douter mais c’est certain qu’il y a des grands commis d’états et des chefs d’entreprises humanistes, à la fois modèles d’intégrité et de courage, à qui il faut beaucoup de courage pour assumer de grosses responsabilités dans un contexte délétère et essayer d’infléchir, au moins un peu, le cours des choses. 

C’est aussi le poison des média, l’ultime manipulation de nous faire croire que les vertus ont disparu, c’est jouer sur les antagonismes. La crise du coronavirus qui casse le quotidien permet de mettre la loupe sur ceux qui s’agitent sur le devant de la scène et ceux qui seraient la cause des dysfonctionnements. Jusqu’à présent et pour aller dans le sens d’Alain Damasio, tant que globalement ceux qui gouvernent et qui ont le pouvoir ne seront pas intègres, capables de transparences et de transcendances, le système orwellien continuera à tourner à plein régime.

Quelles solutions ?

“Il est temps de se donner les moyens d’une expérience partagée des disponibilités que la pandémie nous a offert malgré elle. Dans mon roman Les Furtifs, j’appelle ça créer des ZAG (zones auto-gouvernées) ou des ZOUAVES (zone où apprivoiser le vivant ensemble)”.

(Article 3/3)

“Ces initiatives, à l’instar des ZAD et des gilets jaunes, qui sont la portion médiatisée de l’iceberg, ont ceci de commun qu’elles refusent les hiérarchies, le culte des chefs, le patriarcat. Elles se foutent de consommer, de « faire de l’argent », de prendre le pouvoir. Elles préfèrent enfanter dans la couleur que dans la douleur — même si elles encaissent leur lot de souffrances. Qui ne croit plus que l’indépendance soit la source de toute liberté mais plutôt que ce sont les interdépendances acceptées qui nous ouvrent un monde plus fécond et au final nous émancipent mieux.”

(Article 3/3) 

Alain Damasio constate que les ZAD, les gilets jaunes, ce qu’il nomme la partie immergée de l’iceberg, sont des lieux à développer où la hiérarchie, la génération de l’argent et l’indépendance à tout prix n’ont plus lieu d’être et où les interdépendances acceptées ouvrent vers un nouveau monde. Or quand on enquête sur le fonctionnement de ces types de lieux, les prises de décision y sont souvent interminables et conflictuelles, l’argent n’y est pas un problème, et l’interdépendance ne va pas de soi. 

Pour autant, cela ne remet pas en cause le choix par Damasio de ce type de lieux pour un nouveau monde. On peut toutefois suggérer d’apprendre à faire quelques pas de côté dans ces lieux pour relier ce qui semble incompatible. Ainsi et à propos de la hiérarchie, même si l’on cherche les consensus et la prise en compte de toutes les diversités, on peut reconnaître des savoirs-faire et des savoirs-être et donc des hiérarchies naturelles. A propos de l’argent, si le troc est un mode d’échange à privilégier et à développer, il reste une part importante de frais qui passent par la monnaie du pays où l’on est, donc la nécessité de dégager du temps et des moyens pour obtenir ce qu’il faut, à la fois pour l’essentiel et pour l’exceptionnel. Enfin l’interdépendance n’implique t-elle pas des individus ayant déjà acquis leur propre indépendance ? Si ce n’est pas le cas, dans les non-dits se glissent des dépendances qui pèsent à ceux qui en ont conscience.

Pour finir et à propos d’apprendre à faire des pas de côté, cela implique que l’éducation (dans le sens de “faire sortir de”) est l’aspect essentiel pour que les lieux aspirants à un nouveau monde aient un avenir. Et cette éducation, elle est à confier aux modèles d’intégrité et de courage qu’on a cité précédemment, ceux qui ont parcouru ou tentent du mieux qu’il le peuvent le chemin d’involution/évolution et sont prêts à le partager.

Catégories
Articles Ethique du genre humain Poésie

Invictus

Photograhie de Nelson mandela

Cette poésie fut le mantra de Nelson Mandela, que non seulement il répéta de nombreuses fois en prison, mais qu’il mit en œuvre, par son exemplarité, tout au long de sa vie.

William Ernest Henley (1843-1903)

Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of fate
My head is bloody, but unbowed.

Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate:
I am the captain of my soul.

Traduction française :

Dans les ténèbres qui m’enserrent
Noires comme un puits où l’on se noie
Je rends grâce aux dieux, quels qu’ils soient
Pour mon âme invincible et fière.

Dans de cruelles circonstances
Je n’ai ni gémi ni pleuré
Meurtri par cette existence
Je suis debout, bien que blessé.

En ce lieu de colère et de pleurs
Se profile l’ombre de la Mort
Je ne sais ce que me réserve le sort
Mais je suis, et je resterai sans peur.

Aussi étroit soit le chemin
Nombreux, les châtiments infâmes
Je suis le maître de mon destin
Je suis le capitaine de mon âme.


Asimbonanga

Paroles

Asimbonanga
Asimbonang ‘uMandela thina
Laph’ekhona
Laph’ehleli khona
Asimbonanga
Asimbonang ‘umfowethu thina
Laph’ekhona
Laph’wafela khona
Sithi Hey, wena
Hey, wena Nawe
Siyofika nini la Siyakhona

Paroles (traduction française)

nous ne l’avons pas vu
nous n’avons pas vu Mandela
à l’endroit où il est
à l’endroit où il est retenu
nous n’avons pas vu notre frère
à l’endroit où il est
à l’endroit où il est mort
Nous disons: hé, vous
Hé, vous et vous
quand allons-nous arriver à notre but ?


Présentation de l’artiste : 

Johnny Clegg (1953-2019) est un auteur-compositeur-interprète sud-africain et un danseur de danses zouloues. Les thèmes de ses chansons sont principalement axés sur la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, cependant Johnny Clegg refusait toute affiliation à une idéologie particulière. Il aura plutôt placé toute son œuvre sous le signe de la tolérance, l’acceptation et la fraternité entre les êtres humains. 

Il fut l’inlassable défenseur de la culture africaine, notamment avec sa chanson la plus célèbre, Asimbonanga, qui rend hommage à Nelson Mandela, alors incarcéré depuis plus de vingt ans. Cette prise de position était d’autant plus courageuse que la simple évocation du nom du prisonnier était strictement interdite par le régime de Pretoria. 

Pour conclure, Johnny Clegg a reçu de nombreux labels – zoulou blanc, universitaire, activiste, interprète. Dans le contexte de l’apartheid en Afrique du Sud, son interaction délibérée avec des travailleurs migrants zoulous et des musiciens de rue à Johannesburg a contribué à façonner son style de performance. Sa formation en anthropologie à l’Université du Witwatersrand lui a fourni un cadre d’interprétation avec lequel il pouvait partager encore davantage ses connaissances et expériences avec un public très varié et généralement engagé.